Saviez-vous que votre passeport est classé selon une hiérarchie géopolitique entre les pays ? Que votre liberté (ou absence de liberté) de voyager reflète la puissance mondiale du pays dont vous êtes citoyen.ne ? Découvrez comment le classement des passeports révèle de profondes inégalités dans le monde et quelles conséquences ces disparités ont sur notre liberté de circulation.
Expérience avec un passeport marocain vs canadien
Le projet Voix Nomades est né d’une profonde envie de voyager et de partager une vision du monde différente de celle présentée par les médias traditionnels, à travers notre passion pour le plein air. Pourtant, ce projet n’aurait pu voir le jour sans ma citoyenneté canadienne (Mehdi). Aujourd’hui, elle m’offre des possibilités de voyage bien différentes.
Liberté de voyage : le racisme à la douane
Étant né au Maroc, voyager avec un passeport marocain a toujours été un défi. Au-delà des formalités administratives complexes et des visas difficiles à obtenir, il y a la réalité du racisme à la douane. Souvent, je subissais des contrôles plus stricts, avec des questions suspicieuses. On me regardait avec méfiance, simplement à cause de mon passeport. Ces expériences m’ont laissé un goût amer, contrastant avec la fluidité dont je bénéficie désormais avec mon passeport canadien.
Différence de monnaie : l’exemple du dollar vs dirham
Voyager avec le dirham marocain était également un défi financier. Chaque coût était multiplié par dix lorsque je le convertissais en dollars canadiens ou en euros. Cette différence de valeur rendait certaines destinations inaccessibles et limitait mes possibilités. Depuis que je gagne ma vie en dollars canadiens, la situation est radicalement différente. Ce qui était auparavant un luxe est désormais beaucoup plus accessible.
Les demandes de visa : un véritable obstacle
L’une des plus grandes frustrations a toujours été les demandes de visa. Récemment, il est devenu presque impossible pour un Marocain d’obtenir un visa touristique pour l’espace Schengen. Des mois d’attente, des exigences parfois absurdes, et des refus fréquents rendaient mes voyages en Europe particulièrement difficiles, même lorsque j’avais des raisons légitimes de me déplacer. Cela souligne les inégalités criantes entre les passeports des pays puissants et ceux des pays comme le Maroc.
Le passeport canadien : un changement de paradigme
L’obtention de ma citoyenneté canadienne a complètement changé la donne. Ce qui était autrefois un parcours d’obstacles est devenu une aventure beaucoup plus fluide. Avec mon passeport canadien, j’ai découvert un monde où les formalités sont minimes, où les frontières s’effacent, et où voyager est devenu un plaisir plutôt qu’une source d’angoisse.
Henley Passport Index : la géopolitique des visas
Le Henley Passport Index classe les pays selon le nombre de destinations accessibles à leurs ressortissant.e.s sans visa préalable. Ce classement, mis à jour chaque année, met en lumière des inégalités croissantes entre les nations.
En effet, l’endroit où vous êtes né.e influence considérablement votre liberté de déplacement. Les pays en tête de classement – Singapour, la France, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, et le Japon – disposent d’un accès sans visa à plus de 190 pays sur les 197 existants. En revanche, en bas du classement se trouvent des nations du Moyen-Orient, comme l’Afghanistan, la Syrie, l’Irak, et le Yémen, avec seulement une trentaine de pays ouverts sans visa.
Ces disparités révèlent une réalité géopolitique. Les passeports les plus puissants appartiennent aux pays économiquement et politiquement influents. Les autres se retrouvent dans une position de dépendance et de restriction.
Inégalités de citoyenneté
Les différences de passeports ne se limitent pas au nombre de pays accessibles. Même lorsqu’un visa est requis, les modalités varient fortement. Prenons l’exemple d’un.e ressortissant.e français.e qui souhaite se rendre aux États-Unis. Il/elle doit simplement remplir un formulaire en ligne (l’ESTA) et payer environ 10 dollars. Les refus sont rares.
Pour un.e ressortissant.e marocain.e, la procédure est beaucoup plus complexe. Plusieurs mois d’attente, des rendez-vous à l’ambassade, un coût de plus de 200 dollars, et un taux de refus bien plus élevé.
Face à ces inégalités croissantes, certains pays adoptent des mesures de réciprocité. C’est le cas de l’Algérie. En réponse aux exigences de visa pour ses ressortissant.e.s en France, elle a instauré une demande de visa pour les Français.e.s souhaitant visiter l’Algérie.
Vers un monde sans frontières : une réflexion sur la liberté de voyager
Il nous paraît important de souligner la chance qui est à présent la nôtre. Le passeport que nous détenons peut ouvrir ou fermer des portes. Il façonne notre expérience du voyage et détermine nos possibilités de découvertes. Avec ma citoyenneté canadienne, un monde qui était autrefois rempli d’obstacles s’est ouvert. Il révèle des opportunités que beaucoup ne peuvent qu’imaginer.
Cependant, nous sommes pleinement conscient.e.s que cette liberté reste un privilège réservé à une minorité. Beaucoup continuent de se heurter aux barrières invisibles dressées par les frontières et à des discriminations injustes qui restreignent leurs déplacements.
Notre souhait est de voir un jour ces barrières tomber. Que chacun.e, peu importe son lieu de naissance, puisse explorer le monde librement, sans être entravé par des considérations géopolitiques.
Les frontières vont contre les intérêts les plus évidents des peuples – Bernard Charbonneau, L’État (1949).
En attendant de vivre cette utopie d’un monde sans frontières, nous continuerons de porter ces voix et de partager nos expériences. En espérant inspirer d’autres à se questionner sur ces inégalités et à agir pour un avenir plus radieux.
