Bouchra Baibanou a hissé le drapeau marocain sur le toit du monde. Mais ce qu’elle porte au sommet, bien plus qu’un drapeau, ce sont les rêves de toutes celles qu’on a regardées avec doute.
Dans ce tête-à-tête, elle revient sur son chemin hors norme. Une trajectoire guidée par la passion. Une femme qui a choisi de gravir les montagnes… et de tendre la main.
Gravir les sommets… et les stéréotypes
Avant d’être une alpiniste reconnue, Bouchra Baibanou était ingénieure d’État. Mariée. Mère. Fonctionnaire. En apparence, une vie toute tracée.
Mais en 2011, après une première ascension du Kilimandjaro, elle découvre le projet des 7 sommets du monde. L’objectif : atteindre le point culminant de chaque continent. Elle décide de s’y consacrer.
Et très vite, elle comprend qu’elle ne gravit pas que des montagnes.
Une femme marocaine, mariée, avec un enfant, qui part seule pour de longues expéditions… même pour les hommes, ce n’était pas habituel.
Les remarques, les doutes, les injonctions à rentrer dans le rang : elle les connaît par cœur.
Mais elle continue. Sans modèle. Sans sponsor. Avec une conviction : son amour pour la montagne. Et avec un soutien discret mais essentiel : celui de son mari, qui a cru en elle dès les premiers pas.
En mai 2017, Bouchra Baibanou atteint le sommet de l’Everest. 8 848 mètres plus haut que les doutes.
Elle devient la première femme marocaine à poser les pieds là-haut. Mais dans ce moment de gloire, ce n’est pas son nom qu’elle pense inscrire dans l’histoire.
Ce n’était pas seulement pour moi. C’était pour toutes les femmes marocaines.
Transmettre, toujours : Empower Girls et les graines de sommet
Aujourd’hui, elle continue de gravir les plus hauts sommets du monde. L’Annapurna, Le Lhoste, L’Amadablam… La liste est longue. Mais aussi, de partager. Dans les écoles, les universités, les conférences. Et surtout, à travers le projet Empower Girls.
Lancé en 2023 au sein de l’association Delta Évasion, ce programme accompagne chaque année une centaine de jeunes filles, venues de tous horizons :
On travaille l’estime de soi, la confiance, le leadership. Ce que j’adore, c’est qu’elles apprennent à se connaître, à vivre ensemble, à se faire confiance.
Dans ces randonnées collectives, les différences s’effacent. Les jeunes filles apprennent à faire équipe, à se soutenir, à se dépasser. Certaines n’avaient jamais quitté leur ville. D’autres n’osaient plus rêver.
Et dans chaque ascension, un miroir : ce qu’a vécu Bouchra, ce qu’elles sont en train de devenir.
Mettre des mots et des images sur une vie d’aventures
Son histoire, Bouchra Baibanou a décidé de la raconter.
Dans un livre d’abord, Mon chemin vers les 7 sommets du monde, publié en 2021. Et dans un film, Al Qimma, réalisé en collaboration avec le cinéaste Mehdi Moutia, récompensé dans plusieurs festivals. Un récit en images, tourné en partie par elle-même pendant ses expéditions, pour témoigner de l’intensité, des doutes, et du silence en altitude.
Ce que la montagne lui a appris…
Quand l’oxygène se fait rare, que l’eau manque, que le corps lâche… on redécouvre la valeur de chaque chose. Dormir au sec. Boire sans peur. Respirer. Aimer. Rien n’est jamais acquis. Et c’est peut-être ça, la vraie leçon des sommets : revenir différent. Revenir plus simple.
La montagne m’a appris la gratitude. Et l’humilité.
Et si elle pouvait aujourd’hui parler à l’adolescente qu’elle était, celle qui découvrait la randonnée sans savoir que sa vie en serait bouleversée, elle lui dirait :
« Je suis fière de toi. Tu es devenue celle que tu rêvais d’être. »
Et à travers cette phrase, c’est un message qu’elle adresse à toutes celles qui doutent encore :
Croire en soi. C’est un chemin. Et il commence là où on ose poser le premier pas.
L’audio qui retrace l’intégralité de notre rencontre avec Bouchra Baibanou est disponible en exclusivité juste ici :
