En tête à têteJacques Olek : pionnier des expéditions hivernales au Québec
Jacques Olek alpiniste québecois avec Voix Nomades

Jacques Olek : pionnier des expéditions hivernales au Québec

Il a fui la Pologne communiste à pied, traversé l’Europe sans passeport, gravi le Mont Logan et approché le K2 en plein hiver. Mais derrière les exploits, Jacques Olek est d’abord un passeur d’expérience, d’engagement et de rêves. Rencontre avec un pionnier de l’alpinisme québécois qui préfère les cœurs aux sommets.

De la Pologne communiste aux Alpes autrichiennes : une fuite à travers les frontières

On était devant une pierre. D’un côté, c’était marqué Yougoslavie. De l’autre, Autriche. Mon cœur battait la chamade.

Jacques Olek n’est pas devenu alpiniste par goût de la hauteur, mais par besoin de liberté. Né à Grenoble en 1944, il grandit à Varsovie, dans une Pologne en reconstruction. Quand il comprend qu’être appelé à l’armée signifie être condamné à ne jamais quitter le pays, il prend une décision radicale : fuir.

À 23 ans, il quitte la Hongrie après une compétition d’athlétisme et traverse clandestinement la Bulgarie, la Slovénie, la Yougoslavie par les montagnes, avec son père. Une fuite rocambolesque, à pied, avec des chiens à leurs trousses, des gardes-frontières et quelques gestes de gentillesse inattendus.

De Mustafa à Jacques : une identité à rebâtir

Lors de sa naissance, son père avait eu un coup de cœur pour un prénom entendu dans un film italien : Mustafa. Sa mère accepte, sans imaginer que ce prénom marquerait durablement le parcours de leur fils.

Officiellement, je m’appelais Mustafa Olek. Et j’ai vite compris que ça n’allait pas m’aider dans la vie. 

Au fil de ses démarches pour immigrer d’abord en Allemagne, puis au Canada, le prénom devient un frein. Rejeté par des institutions d’accueil, il comprend que son nom lui fait vivre un racisme permanent. Plusieurs décennies plus tard, il officialise son changement de prénom, et devient Jacques Olek.

Des premières expéditions aux plus hauts sommets

Photo de Andrzej Zawada

Arrivé au Québec à la fin des années 1960, Jacques apprend l’anglais, rencontre Anne — sa compagne de vie — et découvre la montagne québécoise. En 1973, il participe à la première ascension québécoise du Mont Logan, puis enchaîne avec la traversée de la Terre de Baffin.

Mais c’est sa rencontre avec Andrzej Zawada, figure majeure de l’alpinisme polonais, qui marque un tournant. Ensemble, ils organisent plusieurs expéditions hivernales sur les plus hauts sommets de l’Himalaya. Cho Oyu d’abord, puis K2, en 1987, 2000 et 2003.

« Ce que je préfère dans les hivernales, c’est qu’il y a toujours ce côté inédit, ce côté plus difficile, où les gens se dévoilent à leur meilleur. »

Ils montent des camps d’altitude par –40 °C, luttent contre les vents, les avalanches, les abandons. Jacques est au cœur de l’organisation : logistique, négociation des permis, engagement physique. Il ne cherche pas la gloire. Il fait en sorte que l’ascension soit possible.

Blacks International : l’alpinisme pour tous.tes

À son retour, il reprend un magasin d’équipement de montagne — Blacks International. Ce lieu devient plus qu’une boutique. C’est un point de passage pour des dizaines de passionnés, un espace de transmission et un catalyseur de vocation.

C’est là qu’il repère Gabriel Philippi, futur guide d’expéditions à l’Everest, et Louis Rousseau, alpiniste et grimpeur.

Des fois, pour des toutes petites choses, on change le cours de vie. 

Jacques Olek, un humaniste de la montagne

Louis Rousseau, alpiniste québécois, dit de Jacques :

« Il voyage non pas pour conquérir, mais pour laisser son cœur être conquis par les gens qu’il rencontre. »
Et Jacques confirme : « C’est vrai. »

Les expéditions sont pour lui des terrains de liens humains. Il garde des relations fortes avec ses compagnons polonais, avec des trekkeurs qu’il a inspirés, et avec Sabina, une jeune femme rencontrée en Pologne qui rêvait de gravir les sommets et qu’il a invitée au camp de base du K2 sur un coup de tête. Elle est venue. Sa vie a changé.

En 2018, Jacques reçoit le Summit of Excellence Award du Banff Mountain Festival. Une distinction rare. Et méritée. Elle récompense une vie dédiée à l’alpinisme, mais aussi — et surtout — à la transmission.

Après Blacks, il travaille à Mountain Equipment Coop. Il conseille, accompagne, raconte. Il jardine aussi. Il parle six langues. Et il se souvient des Galápagos, de la Mongolie, de ces paysages vierges où la nature ne se laisse pas dompter.

Un conseil aux jeunes aventurier.es ?

Il sourit.

Il faut surtout se guider par l’intuition. Par cette première pensée qu’on a, même si on pense que c’est impossible. Suivre son intention, pas comme une recette qui a deja servie comme on sert plusieurs plats. Mais plutôt suivre là où le coeur nous porte.

L’audio qui retrace l’intégralité de notre rencontre avec Jacques Olek est disponible en exclusivité juste ici : 

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Et si vous souhaitez en savoir plus sur les fabuleuses expéditions de Jacques Olek et Andrzej Zawada, ce site web raconte en détails leurs aventures, avec de nombreuses archives. 

Bonnes lectures!