
Dépassement de soi : pourquoi cherche-t-on à repousser ses limites en aventure ?
Et s’il y avait, en chacun de nous, une petite voix qui souffle : « vas-y, essaie… »
Ce frisson qu’on ressent au bord d’une falaise, au début d’un trek, en bas d’une grotte — ce n’est pas la peur. C’est autre chose. Une tension douce entre le vertige et le désir.
Un appel du vide, oui. Mais aussi un besoin plus profond : le dépassement de soi.
Entre dopamine, sensibilité accrue et quête d’équilibre intérieur, explorons ce besoin presque viscéral de sortir de notre zone de confort.
Ce que la science nous dit sur le dépassement de soi
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas l’adrénaline qui motive celles et ceux qui s’élancent dans des aventures extrêmes, mais bien la dopamine.
Ce neurotransmetteur est celui du désir, de l’anticipation, de l’engagement. Il n’agit pas seulement quand on atteint le sommet, mais bien quand on décide de l’atteindre.
Ce phénomène est ce que le psychologue Michael Inzlicht appelle le paradoxe de l’effort : plus une chose nous coûte, plus elle a de valeur. Des études ont montré que même chez les animaux, l’effort augmente le plaisir à la clé (National Geographic, 2023).
Pas étonnant alors qu’on choisisse parfois le plus long chemin, la voie la moins confortable, ou le défi gratuit. Parce que ce n’est pas une récompense extérieure qu’on cherche : c’est un feu intérieur, une forme intime de dépassement de soi.
Sensibilité et goût du risque : qui cherche le dépassement de soi ?
Ce besoin de se dépasser, de sentir la limite, ne touche pas tout le monde de la même manière.
Certaines personnalités — plus ouvertes à la nouveauté, à l’inconnu — y sont naturellement attirées. Mais ce n’est pas qu’une question de caractère.
Des recherches récentes suggèrent que les personnes à sensibilité élevée ou à haut potentiel émotionnel sont plus enclines à se confronter à des environnements extrêmes. Non pas nécessairement par goût du danger, mais pour retrouver une forme de clarté.
Quand le monde extérieur déborde, il faut parfois un effort intense, un silence radical, un inconfort profond pour retrouver l’alignement. L’aventure devient alors un moyen d’expression, une voie de dépassement de soi choisie et assumée.
Le dépassement de soi comme chemin de transformation
Loin des clichés de la performance ou du « toujours plus », le dépassement de soi peut être un retour au centre. Chaque pas difficile, chaque décision prise malgré le doute, nous ramène à quelque chose de simple : l’instant présent.
Là où le corps se fatigue, l’ego s’efface. Là où les repères tombent, une autre forme de vérité apparaît. Pas spectaculaire, pas toujours joyeuse, mais précieuse.
L’aventure, dans ce sens, devient une méditation active, un rituel personnel, une manière de dire « je suis vivant.e ».
Témoignages et récits d’aventure
Endurance et solitude : la traversée de la Gaspésie
Il y a des défis qu’on choisit pour se tester, et d’autres qui nous dépassent avant même qu’on ait compris dans quoi on s’est embarqué. La traversée à pied du parc de la Gaspésie, c’était ça.
Six jours de marche, avec nos sacs sur le dos, peu de repères, et l’impression que le chemin ne finirait jamais.
Le genre d’aventure où l’on se découvre autant qu’on avance. Et où, chaque soir, on apprend à faire la paix avec la fatigue, l’incertitude… et soi-même.
C’était une vraie leçon de dépassement de soi.
Spéléologie : affronter l’inconnu au cœur de la roche
Le dépassement de soi n’est pas toujours une affaire d’altitude. Parfois, il faut descendre sous terre pour rencontrer ses limites.
Ce fut le cas lors de notre première expérience de spéléologie dans la grotte des Eymards. Un monde noir, étroit, silencieux — et étrangement vivant.
Il a fallu apprivoiser l’obscurité, le froid, les passages où l’on rampe sans visibilité. Une immersion intense, presque initiatique, où l’on réalise que sortir de sa zone de confort, c’est aussi désapprendre pour mieux ressentir.
➝ Lire : Spéléologie en France – notre aventure dans la grotte des Eymards
Sortir de sa zone de confort… ou pas ?
On parle beaucoup de sortir de sa zone de confort, de se challenger, de viser l’inconnu. Dans nos sociétés, le dépassement de soi est souvent glorifié. L’audace, l’effort, l’intensité sont vus comme des preuves de valeur. Et parfois, sans qu’on s’en rende compte, cela devient une injonction.
Mais ce chemin n’est pas une vérité universelle.
Choisir la stabilité, le quotidien, la douceur. Refuser la quête de performance. Dire non à l’aventure, non pas par peur, mais par choix.
C’est aussi une forme de force. Il n’y a pas une seule façon de se sentir vivant.e. Et tout le monde n’a pas besoin d’un sommet, d’un désert ou d’une grotte pour aller à la rencontre de soi.
Et vous, jusqu’où iriez-vous ?
On ne sait pas vraiment pourquoi certaines personnes ressentent ce besoin de se dépasser.
Les recherches avancent des pistes : dopamine, traits de personnalité, hypersensibilité…
Mais rien de tout ça n’explique entièrement ce qui se passe au creux du ventre, quand on dit « oui » à l’inconfort.
Il reste une part d’inconnu. Et peut-être que c’est justement là que tout commence.
Dans ce pas en avant sans certitude, dans cette tension entre vertige et désir, dans ce moment flou où l’on sent qu’il y a quelque chose à vivre — même si on ne sait pas encore quoi.
On croit parfois que se dépasser, c’est aller plus vite, plus haut, plus loin.
Mais peut-être que c’est juste oser avancer sans savoir, écouter cette vibration étrange entre la peur et l’élan.
Et accepter que certains chemins ne mènent nulle part… sauf à soi-même.