Sur la routeVie en vanÉcotourisme au Maroc : réflexion sur le voyage responsable
Écotourisme au Maroc dans les montagnes du Haut Atlas

Écotourisme au Maroc : réflexion sur le voyage responsable

L’écotourisme au Maroc est souvent présenté comme une solution durable. Mais quel impact réel avons-nous, même avec les meilleures intentions ? Ce texte mêle récit de terrain à Anfgou dans le Haut-Atlas et réflexion sur notre place dans les territoires que nous traversons. Il ne prétend pas conclure mais ouvrir des questions que nous porterons dans la suite de notre parcours.

L’écotourisme, un outil de développement… mais pour qui ?

On parle souvent d’écotourisme comme d’une solution miracle : à la fois pour préserver l’environnement, pour soutenir les économies locales, et pour proposer des expériences plus “authentiques”. Mais derrière ce mot devenu tendance, que reste-t-il vraiment d’éthique, de durable et de juste ?

Dans un article de recherche intitulé « L’apport de l’écotourisme au développement des territoires : une analyse par le récit de voyage », les chercheur·ses soulignent un point essentiel : le voyage n’est jamais neutre. Même lorsqu’il se veut respectueux. Il transforme, parfois malgré lui. Il peut valoriser un territoire… ou le fragiliser.

Le récit de voyage, en tant qu’outil d’analyse, révèle cette tension. Car il est à la fois trace d’une expérience vécue et reflet d’une représentation personnelle. Et c’est bien là l’enjeu : comment parler d’un lieu sans le figer ? Comment raconter un territoire sans l’exploiter symboliquement ?

Écotourisme : l’illusion de la bonne intention

Voyager “autrement” ne suffit pas. Ce n’est pas parce qu’on marche plutôt qu’on prend l’avion, ou qu’on dort chez l’habitant plutôt qu’à l’hôtel, que notre impact est nul. Tout dépend du cadre dans lequel on s’inscrit, des rapports sociaux qu’on active ou qu’on ignore.

Certaines initiatives locales parviennent à construire un écotourisme participatif, porté par les habitant·es. Mais trop souvent, le tourisme durable reste pensé par des gens de l’extérieur, pour des gens de l’extérieur.

Ce qu’il faut interroger, ce n’est pas seulement comment on voyage. C’est pourquoi, pour qui, à quelles conditions, et avec quels effets à long terme.

Anfgou au Maroc, un territoire qui questionne

Un village reculé du Haut Atlas

Anfgou. Un nom qui semble oublié des cartes, mais gravé dans notre mémoire. C’est ici, dans ce village niché dans le Haut Atlas marocain, entre Tounfit et Imilchil, que nous avons pris le temps de nous arrêter.

Pas de voyageurs croisés, pas d’infrastructures touristiques, pas d’activités à “faire”. Seulement une vie qui suit son cours. Et une question qui nous accompagne : comment penser l’avenir de ces territoires à l’écart des grands flux touristiques, sans les folkloriser, ni les ignorer ?

Anfgou, village du Haut Atlas marocain

Un tourisme à inventer… ou à repenser ?

Aujourd’hui, la Grande Traversée de l’Atlas marocain (GTAM) passe non loin d’ici. Elle relie Midelt à Imlil sur plusieurs centaines de kilomètres, et traverse des zones aussi reculées que celle d’Anfgou. Mais ici, le tourisme reste inexistant. Faut-il l’encourager ? Le structurer ?

Pour les habitant.e.s d’Anfgou, la vraie question est celle du rôle de l’État : comment permettre un développement à taille humaine, qui parte des réalités du territoire ?
Qu’il s’agisse d’améliorer les infrastructures de base, de soutenir des initiatives locales, ou de créer les conditions d’un accueil choisi — et non subi.

Car les réponses, si elles existent, ne viendront ni des marcheurs, ni des médias, mais bien de celles et ceux qui vivent ici. À nous de ne pas projeter nos désirs de voyage sur des espaces qui ont d’autres priorités.

Repenser notre rapport au voyage

Et si voyager, ce n’était pas tant aller voir, mais apprendre à regarder ?
Et si notre présence, même silencieuse, portait en elle une responsabilité ?

Repenser notre manière de voyager, ce n’est pas chercher la perfection éthique, mais cultiver l’attention. Refuser les recettes toutes faites. S’interroger à chaque étape : à qui profite ce que je vis ? Et reconnaître que, même animés de bonnes intentions, nous faisons aussi partie de ce qui transforme les lieux.

D’autres récits de terrain, ailleurs au Maroc et dans le monde, posent les mêmes questions :
Quand le rêve des uns devient la perte des autres, peut-on encore parler d’échange équitable ?